Depuis novembre 2021, les gouvernements congolais et ougandais ont signé un accord de mutualisation de leurs Forces Armées pour intervenir militairement dans l’Est de la RDC.
Selon le deux gouvernements, les opérations ont été lancées dans le but de démenteler les Forces démocratiques et alliés ADF, originaires de l’Ouganda, auteurs de plusieurs tueries des civils dans la région de Beni au Nord Kivu et Irumu en Ituri voisin.
6 mois après sans que les résultats ne soient satisfaisants, les FARDC et UPDF ont décidé le mercredi 1er juin dernier, de prolonger de 60 jours encore leurs opérations conjointes, alors que la veuille, le Commandant des Forces terrestres de l’Ouganda avait déjà annoncé le retrait de ces troupes de la RDC.
A ce jour, les rebelles ADF demeurent actifs et continuent de commettre des exactions contre les civils notamment dans les zones limitrophes entre les territoires de Beni et Irumu, même si le porte-parole des FARDC le Général Kasonga affirmait le 27 mars que « tous les sanctuaires, quartiers généraux et bastions des ADF avaient été détruits et les zones environnantes pacifiées »
Combattre l’ADF, était-ce la seule raison ?
7 mois après, le bilan des opérations conjointes FARDC-UPDF est diversement commenté.
D’après le rapport du Groupe d’études sur le Congo (Gec) et Ebuteli, liées à l’Université de New York, « l’objectif majeur des opérations militaires FARDC-UPDF semble avoir été la création d’une zone tampon le long de la frontière. Cependant, les ADF sont plutôt retournés dans la zone frontalière, dans des endroits tels que la Chefferie de Watalinga et zones adjacentes. Ces zones ont été épargnées par les violences des ADF ces dernières années mais avaient constitué la base des ADF à la fin des années 1990, d’où il ont lancé des attaques en Ouganda. Par exemple, plusieurs attaques récentes ont eu lieu dans la ville de Nobili, du côté congolais de la frontière. C’était la première fois depuis plusieurs années que ce lieu, important carrefour commercial et principal point d’entrée de l’UPDF au Congo pour l’opération Shujaa, était ciblé par le groupe. Les opérations semblent donc paradoxalement avoir rendu la frontière moins sûre qu’avant ».
Ce même rapport publié ce mardi 13 juin 2022 indique que le lancement, le 16 juin 2021 de la modernisation immédiate de 223Km des routes prioritaires reliant les deux pays, qui, contrairement à certaines affirmations, seraient financés en grande partie par l’Ouganda, seraient liés à l’opération «Shujaa» de diverses manières.
Lire aussi : Irumu: les Forces mutualisées FARDC-UPDF bombardent depuis lundi les positions ADF à Mont Hoyo
« En 2019 par exemple, les exportations formelles de l’Ouganda vers son voisin (la RDC) valaient 156 millions USD; les exportations informelles étaient encore plus importantes, d’une valeur de 330 millions de dollars dont la majorité étaient des biens industriels. Cela fait du Congo, le plus grand marché d’exportation pour les exportations informelles ougandaises, représentant 62% de toutes les exportations informelles, les nouvelles routes, est un point commercial particulièrement important ” peut-on lire dans ce document de 21 pages dont buniaactualite.com s’est procurée une copie et qui rapproche même le lancement des opérations conjointes FARDC-UPDF (le 30 novembre) et le début des travaux de la construction des routes (le 3 décembre 2021) avec une cérémonie officielle.
Dott Services, une entreprise politiquement connectée.
Les travaux de la modernisation des routes prioritaires reliant l’Ouganda à la RDC, ont été confiés à l’entreprise ougandaise d’ingénierie et de construction Dott Services, un choix critiqué au parlement ougandais en raison de la qualité de ses travaux antérieurs mais très peu de critiques à l’encontre de la firme ont émergé dans la presse ougandaise.
A en croire GEC, deux journalistes en ligne ougandais qui avaient écrit sur le contrat routier de Dott Services au Congo ont été arrêtés et détenus pendant trois semaines en mai-juin 2021, risquant jusqu’à deux ans de prison, sur des accusations de calomnie et de diffamation liées à Dott Services et ont été libérés en décembre 2021.
Lire aussi : Tshisekedi et Museveni conviennent d’asphalter la route Goli-Bunia dans deux ans
Ainsi donc, depuis lors, aucun article de la presse ougandaise n’a analysé de manière critique ce contrat routier.
Cette entreprise qui avait signé un contrat minier avec la société minière publique congolaise Sakima (Société Aurifère du Kivu et du Maniema), acquérant des sites miniers importants dans la province de Maniema, est considérée comme une illustration de l’importance des relations politiques dans le secteur des affaires ougandais en général, certains rapports situent l’entreprise à proximité de la première famille et proche à la fois d’autres élites politico-économiques et qu’elle pousse le projet routier depuis plusieurs années.
La résurgence des rebelles du mouvement du 23 mars (M23) actuellement, suscite des doutes. À la prise de la localité Bunagana par ces rebelles « soutenus par le Rwanda », les sources sécuritaires congolaises affirment une probable complicité de l’Ouganda.
Acte qualifié de «trahison» par l’assemblée nationale de RDC qui émet le vœu de voir « la suspension du processus de ratification des accords signés avec l’Ouganda ».
Dans l’ensemble, outre les intérêts sécuritaires, le gouvernement ougandais se concentre sur la sécurisation de ses investissements pétroliers et le renforcement des réseaux commerciaux, impératifs motivés par la perte de légitimité du régime.
D’une part, les opérations militaires permettront la construction de routes, qui est réalisée par une entreprise politiquement connectée. Ces routes serviront la politique commerciale de l’Ouganda: compte-tenu de l’adhésion récente du Congo à la Communauté de l’Afrique de l’Est, cette infrastructure renforcera les échanges avec le Congo, notamment l’exportation des produits ougandais, conclu ce rapport conjoint.
Fondé en 2015, le groupe d’étude sur le Congo, piloté par l’université de New York, vise la promotion d’une recherche rigoureuse et indépendante sur la violence qui touche de millions des Congolais.
Verite Johnson